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A28 : fin d’autoroute pour Bouygues

Bouygues vient d’annoncer la vente de ses parts dans la concession ALIS (33,17%), exploitant  la section d’autoroute A28 entre Rouen et Alençon pour 111 millions d’euros.

Section pour laquelle j’avais fait un petit rappel sur le foisonnement tarifaire toujours actif en France malgré ce qu’on souhaiterait nous faire croire.

Désormais, vos deniers laissés sur cette section d’autoroute iront pour certains retraités Néerlandais : c’est le groupe PGGM, fond de pension des Pays-Bas qui reprend les capitaux. La fin de concession est prévue pour 2067…

Revenons sur le foisonnement tarifaire…

Qu’est ce que le foisonnement ?

Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce principe tarifaire, je vous invite en premier lieu à relire cette explication.

Les écrits

En fouillant sur Internet, je suis tombé sur un rapport du think tank Terra Nova, commenté par l’ASFA (l’Association des sociétés françaises d’autoroutes).

On retrouve dans ce rapport, une partie très intéressante sur le foisonnement :

Terra Nova notait :

[…] Les techniques dites de foisonnement ont en effet permis à ces dernières de cibler les plus fortes hausses de péages sur les tronçons fréquentés, et de compenser ces hausses par de moindres progressions des prix sur les tronçons moins fréquentés. Ainsi la progression moyenne des péages a pu être conforme à l’engagement des sociétés autoroutières de ne pas dépasser le niveau de l’inflation, mais les revenus des péages ont pourtant progressé nettement plus rapidement que l’inflation et le trafic autoroutier.[…]

La réponse de l’ASFA est la suivante :
[…]Les «techniques de foisonnement» sont une optimisation tarifaire appliquée par l’État dès l’origine des concessions autoroutières, consistant à tarifer les sections à fort trafic plus cher que les sections à faible trafic; elle est parfaitement conforme, dans l’esprit, à la tarification au coût marginal recommandée par le rapporteur en plusieurs points de son rapport. L’État n’en a pas interdit l’usage lors de la privatisation, mais l’a fait trois ans plus tard. Ceci a été pris en compte par les sociétés, qui ne l’appliquent plus depuis 2008, et même rétroactivement sur les années 2006 et 2007 via une réfaction  sur l’augmentation 2008.[…]
Donc depuis 2008, les concessionnaires autoroutiers ne pratiquent plus le foisonnement : leur association l’écrit clairement et de plus ils se plient à une demande de l’État….
De plus, dans son rapport d’activité de 2010, le ministère du développement durable précise qu’il procède à la vérification des hausses accordées afin qu’elles respectent, entre autre, ce critère de non-foisonnement (voir p.16 du rapport):
Le contrôle effectué consiste à vérifier que la proposition de hausse tarifaire faite par les sociétés
concessionnaires est strictement conforme aux dispositions du cahier des charges, et du contrat de plan. En
particulier, les points suivants sont systématiquement vérifiés :
– la hausse du taux kilométrique moyen conforme à la hausse maximale contractualisée
-l’absence de foisonnement, qui consiste à optimiser les recettes induites par les hausses annuelles de péages, et à faire croître le chiffre d’affaires annuel, toutes choses égales par ailleurs, bien au-delà de la hausse annuelle des tarifs accordée par le concédant.
Bien, bien…

Dans les faits

Maintenant passons aux actes. En février 2015, le gouvernement décide de ne pas autoriser l’augmentation annuel des autoroutes… sauf pour les concessions encore sous contrôle public (par exemple ATMB – Autoroute du Mont-Blanc) ou certaines concessions privées :
Il semblerait toutefois que cette hausse soit liée à la création récente de ces ouvrages (souvent moins de dix ans) et à la fragilité de leur modèle économique, conjuguée, souvent, avec un trafic inférieur aux attentes. A chaque fois les relèvements de tarifs sont supérieurs à l’inflation.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/02/04/autoroutes-l-etat-a-bel-et-bien-augmente-les-tarifs_4569390_3234.html#VAvUrQkDpcgoxJIu.99
Dans ces quelques concessions qui ont eu le privilège d’augmenter en février 2015, on peut citer ALIS, concessionnaire de l’A28 entre Rouen et Alençon Nord, et membre de l’ASFA.
Donc comme annoncé par l’ASFA et contrôlé par les services de l’État, ces tarifs n’ont pas souffert de foisonnement…
En comparant les tarifs 2014 et 2015, voici ce que je trouve : http://blog.autoroute-eco.fr/la-realite-sur-laugmentation-des-tarifs-par-lexemple/

En quelques mots :
* Augmentation moyenne du réseau ALIS (classe 1) +2.13%
* augmentation des tarifs sur la seule gare de Rouen (péage du Roumois) +3.68%
*
+4.52% si vous traversez entièrement le réseau (Rouen –> Alençon)

On se doute assez aisément que des gares de péage sur des grosses agglomérations comme Rouen , génèrent plus de trafic que des gares comme Brionne (+ 0.53%).

Alors si l’on pouvait arrêter de dire que le foisonnement tarifaires est interdit et plus pratiqué !!!

 

 

La réalité sur l’augmentation des tarifs par l’exemple

Le site du Monde a révélé que les tarifs autoroutiers, malgré un gel des tarifs décidé par le premier Ministre, ont partiellement augmenté, en général pour les sections non concédées et en particulier pour certaines sections privées « dont le modèle économique est plus fragile » .
Prenons l’exemple d’ALIS, le concessionnaire de l’A28 entre Rouen et Alençon. Cette concession fait partie plus globalement de ce réseau.
La majeure partie de ce réseau est une concession de Vinci Autoroute via ses filiales ASF et COFIROUTE.
Voici ce que nous pouvons lire dans l’article du Monde :

De Rouen (Seine-Maritime) à Alençon (Orne), le tronçon de l’A28 géré par Alis, filiale de la Sanef et Bouygues, a relevé ses tarifs de 2,9 %. Les différentes classes de véhicules ne sont pas toujours toutes concernées.

La logique veut donc que seuls les tarifs d’ALIS aient été augmentés.

En lisant ceci on peut penser que  seuls les tarifs d’ALIS ont augmenté. Donc si nous réalisons un trajet Angers – Paris, section 100% Vinci (COFIROUTE),  les tarifs n’auront pas changé : VRAI. Un trajet avec comme points d’entrée et de sortie un péage Vinci est resté avec un prix fixe.

Et pour un trajet partiellement sur les 2 concessions …
Prenons l’exemple d’un trajet Angers / Rouen : Angers Alençon se fera sur la concession Vinci, normalement sans augmentation, et Alençon – Rouen, sur la concession ALIS, avec augmentation.
Alençon Nord (sortie 18 – A28) au péage du Roumois (Rouen – A28) est passé de 19.9€ en 2014 à 20.8€ maintenant. Soit une augmentation de 0.9 €.
Si mon raisonnement tient, je dois avoir une augmentation d’environ 90 centimes entre Angers et Rouen :
Les tarifs sont passés de 33.2€ à 34.1€ : Le compte est bon.

Mais alors, qu’est ce qui me gêne lorsque je rentre les nouveaux tarifs …
En mettant à jour ces nouveaux tarifs, quelque chose me dérangeait : je voyais des tarifs quasiment égaux augmenter du simple au double !

Etant donné que seul les tarifs d’ALIS ont augmentés, il est facile de déterminer le pourcentage d’augmentation en fonction des sorties : il suffit de faire la somme de tous les tarifs d’entrée ou de sortie d’un péage donné sur ce réseau ALIS (entrée Alis –> sortie ALIS) . Et là, que trouve-t-on ?

Le foisonnement tarifaire !!!
Mais oui, c’est bien lui ! Il avait été dénoncé en 2008 par la Cour des comptes : ce principe qui consiste à porter l’augmentation sur les sections les plus fréquentées (généralement les bout de concession ou de réseau qui relient de grandes agglomérations). Les concessionnaires avaient annoncé y renoncer suite à ce rapport, et l’Etat avait juré d’être plus vigilant.
Lorsque le site du Monde annonce une augmentation moyenne de 2.9% sur le réseau ALIS, cela peut sembler déjà élevé vis à vis de l’inflation (0,1 % selon l’INSEE en 2014).
Si on ne s’intéresse qu’à la classe tarifaire 1, correspondant aux voitures, on trouve une augmentation de 2.13% : une augmentation  20 fois supérieures à l’inflation…

Et par péage …
Mais c’est une vue générale : lorsque l’on regarde juste l’augmentation sur le péage du Roumois : + 3.68% !!
Par contre les autres sorties compensent ce taux :
Brionne (sortie 13) : + 0.53%
Bernay (sortie 14) : +0.68%
Broglie Ouest (sortie 15) : +1.10%
Gacé (sortie 16) : +1.61%
Sèes (sortie 17 – A88) : +1.64%
Alençon Nord (sortie 18) : +3.89%
Péage d’Argentan (A88 direction Caen) : +1.13%

En clair : pour le réseau ALIS, un automobiliste entrant ou sortant de son réseau par le péage du Roumois, verra sa facture augmenter presque 8 fois plus (en %) qu’un automobiliste sortant ou entrant à Brionne. Idem pour un automobiliste sortant à Alençon.

Et pour un automobiliste traversant totalement sont réseau, s’est la double peine : +4.52% de 19.9€, le tarif passe à 20.8 €.

Et là je ne parle que des tarifs classe 1. Je reviendrais avec les autres classes tarifaires…